BURNOUT : QUELLE EST LA RESPONSABILITÉ DE L'EMPLOYEUR ?
5 mins de lecture | Anne Petillo | Article | Bien-être
Souvent considéré comme le mal professionnel de notre siècle, le burnout s’affiche régulièrement dans les médias, que ce soit au JT, dans les émissions télévisées, à la radio, dans les journaux ou même autour de la machine à café. - Qu’est-ce qui caractérise ce syndrome d’épuisement professionnel qui touche tant d’actifs ? Et surtout, quelle est la responsabilité de l’employeur ?
Qu’est-ce que le burnout ?
Le burnout, ou encore syndrome d’épuisement professionnel, est défini par l’INRS* (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) comme « un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique dans lesquelles la dimension de l’engagement est prédominante. »
Ce syndrome regroupe plusieurs symptômes caractéristiques :
- Un épuisement émotionnel : le salarié souffre d’une fatigue mentale intense et d’une incapacité à récupérer
- La dépersonnalisation : le salarié ne ressent plus rien envers celles et ceux qui l’entourent. Les rapports aux autres sont déshumanisés et les clients, patients ou usagers sont perçus comme des objets
- Un sentiment de ne pas se réaliser dans son travail et une dévalorisation de soi : le salarié a l’impression que son travail est inutile, qu’il n’est pas à la hauteur des attentes de son entourage
- Des difficultés à faire le moindre effort physique
- Un manque d’appétit
- Un manque de motivation
- Une désocialisation.
Signifiant littéralement « brûler de l’intérieur » et « se consumer », le burnout renvoie généralement à une usure professionnelle progressive lorsqu’il y a un trop gros écart entre les attentes des salariés et la réalité du travail. Ce syndrome d’épuisement professionnel est la conséquence du stress qui peut être généré par une surcharge de travail ou encore des pressions temporelles fréquentes, par exemple pour clôturer un dossier. En parallèle, le salarié obtient peu ou pas de récompenses, reçoit des demandes contradictoires, subit un manque d’équité et un manque de clarté dans les objectifs.
Certains métiers peuvent pâtir d’une surcharge émotionnelle supplémentaire, en particulier ceux qui demandent un engagement personnel intense. On peut notamment penser aux enseignants ou au personnel soignant où le manque de temps et de moyens s’oppose à un enjeu humain fort.
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de burnout ?
L’employeur a l’obligation d’assurer la santé et la sécurité des salariés. Il a une obligation de résultat qui découle de l’article 4121-1 du code du travail : « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
"L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs"
Ce dernier est donc tenu d’une part à informer et former le personnel sur le burnout par le biais d’emailing et/ou d’affichages, ou encore en organisant des formations en présentiel ou en e-learning, etc.
Il doit aussi mettre en place des actions concrètes pour préserver la santé mentale du salarié au travail. De ce fait, l’employeur a pour obligation d’éviter tous les facteurs de stress qui vont générer le burnout. Il doit veiller à la charge de travail de chacun. Cela peut-être via l’organisation de points hebdomadaires, mensuels ou annuels pour vérifier que le salarié se sent bien dans son entreprise. Un aménagement d’horaires peut aussi être proposé aux parents ou aux personnes vivant loin de leur lieu de travail pour maintenir un équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle.
D’autres aménagements peuvent être mis en place pour maintenir le bien-être des salariés, tels que :
- L’encadrement des utilisations des outils informatiques, en particulier en cas de télétravail
- L’installation de systèmes qui permettent de différer l’envoi des emails en dehors des horaires de travail
- Rappeler au personnel que les urgences doivent être traitées par téléphone et non par e-mail (car générateur de stress)
- Contrôler le temps de travail via notamment un système de pointeuses
- Eviter les postes qui isolent les collaborateurs et les mettent dans des situations de stress
- Faciliter les pauses collectives et les moments de convivialité pour que les collaborateurs ne se sentent pas isolés au travail.
Quelles sanctions l’employeur risque-t-il si l’un de ses salariés est en burnout ?
Dans le cas où un employeur ne prendrait pas de telles mesures et si l’un de ses employés est victime de burnout, sa responsabilité peut être alors engagée. Il peut encourir de lourdes sanctions et être condamné à indemniser le salarié pour faute inexcusable s’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger encouru mais n’a rien fait pour le protéger.
Comment le salarié victime de burnout peut-il garantir ses droits ?
Le salarié peut tout d’abord alerter son employeur ainsi que les institutions représentatives du personnel. S’il le fait, l’employeur aura l’obligation de réagir face au burnout et mettre en place les mesures nécessaires pour protéger ses salariés.
Ensuite, l’une des premières choses à faire pour garantir ses droits, c’est de faire reconnaître auprès de la CPAM son burnout comme étant une pathologie inhérente au travail, c’est-à-dire soit une maladie professionnelle, soit un accident du travail.
Mais c’est là que les choses se compliquent. En effet, il faut savoir qu’à ce jour, bien qu’un projet de loi ait été déposé en 2018 en ce sens, ce syndrome ne figure pas sur les tableaux des maladies professionnelles recensant les affections reconnues en tant que telles. Néanmoins, une reconnaissance est possible mais uniquement au cas par cas.
L’employé va donc devoir démontrer que le mal dont il souffre est bel et bien lié à son travail. Pour cela, son médecin doit constater une incapacité permanente à hauteur de 25%, ce qui correspond à un état dépressif majeur. Ensuite, un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) vérifie qu’il y a bien un « lien direct et essentiel » entre les symptômes et le travail du salarié victime de burnout.
En cas de réponse positive, le salarié peut saisir le pôle social du tribunal de grande instance compétent et faire reconnaître la faute dite inexcusable de son employeur, c’est-à-dire que ce dernier est resté inactif alors qu’il avait conscience du danger. En cas de réponse négative ou en complément de cette action, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes compétent afin de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail ou faire cesser le trouble dont il est victime.
Quid des dommages et intérêts ?
Le cas du burnout est complexe. En effet, tout dépend de son origine et de ses répercussions, ce qui explique d’ailleurs la multiplicité des recours possibles : contentieux en droit de la sécurité sociale ou contentieux prudhommal et pénal.
Ainsi, le montant des dommages et intérêts va varier selon les juridictions et les conséquences : un burnout à l’origine d’un suicide n’aura évidemment pas les mêmes conséquences qu’un burnout qui a conduit à 3 à 6 mois d’arrêt maladie. S’il y a décès et reconnaissance de faute inexcusable, l’issue peut être très lourde et les dommages et intérêts particulièrement importants : le montant de la rente allouée aux ayants droits pourra être majorée.
Si le burnout découle d’un harcèlement, les recours et les dommages et intérêts sont très différents d’un burnout simplement lié à une surcharge de travail et un stress intense. Le montant de l’indemnisation pourra être bien plus élevé. De plus, les salariés qui dénoncent le harcèlement dans leur entreprise sont protégés du licenciement par le code du travail. Ce n’est en revanche pas le cas pour ceux qui auraient signalé un burnout, même si licencier une personne victime de son employeur ou en arrêt maladie pour cause de manquement de l’entreprise pourrait s’avérer risqué.
*Source : http://www.inrs.fr/risques/epuisement-burnout/ce-qu-il-faut-retenir.html
À propos de l'auteur
Anne Petillo - Directrice des ressources humaines
Titulaire d’un DEA en Droit social et du CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat), Anne a d’abord conseillé Hays en tant qu’Avocat entre 2011 et 2015. En 2015, elle rejoint la société et occupe un poste de Juriste en Droit social. En 2016, elle devient Responsable juridique Social et participe à la gestion du personnel intérimaire et permanent. En 2019, elle devient DRH adjoint du groupe Hays France & Luxembourg, puis en 2023 elle reprend le poste de DRH.