Pourquoi la santé mentale des salariés continue-t-elle de se dégrader ?

7 mins de lecture | Coralie Foucher & Eunice Batep | Article | Équilibre vie pro & vie privée

Santé psychologique au travail : un état des lieux préoccupant

La santé mentale des salariés est un sujet de préoccupation croissante en France. Les chiffres récents montrent une tendance inquiétante : de plus en plus de travailleurs souffrent de troubles psychologiques, de stress et de burn-out. Mais pourquoi cette situation continue-t-elle de se détériorer ? Le point dans cet article. 

L’impact de la pandémie 

La pandémie de Covid-19 a eu un effet dévastateur sur la santé mentale des salariés. Selon une étude de Santé publique France, les recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires ont fortement augmenté en 2021 et 2022, pour rester depuis à un niveau élevé. La peur du virus, les confinements successifs et l’incertitude quant à l’avenir ont créé un climat d’anxiété généralisée. 

Les effets de la pandémie ne se sont pas limités à la période de confinement. En effet, même après la levée des restrictions, de nombreux salariés continuent de ressentir les répercussions psychologiques de cette crise sanitaire. Une enquête menée par Santé publique France en 2023 révèle que 40 % des travailleurs français déclarent souffrir de troubles anxieux ou dépressifs. Cette situation est exacerbée par la crainte d’une nouvelle vague de contaminations et les incertitudes économiques qui en découlent. 

De plus, la pandémie a bouleversé les habitudes de travail. Le télétravail, bien qu’il ait permis de maintenir une certaine continuité des activités professionnelles, a également contribué à l’isolement des salariés. Selon une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 30 % des télétravailleurs ont rapporté une augmentation de leur niveau de stress et de leur sentiment de solitude. Le manque de séparation entre vie professionnelle et vie personnelle a également conduit à une augmentation du temps de travail, avec des journées souvent plus longues et moins structurées. 

Les conditions de travail 

Les conditions de travail en France ont évolué au fil des années, mais certains problèmes persistent. Selon un baromètre publié en 2024, 55 % des salariés français se déclarent stressés, et 39 % ne sont pas satisfaits de leur équilibre vie professionnelle et vie personnelle. Cette insatisfaction est souvent liée à des charges de travail excessives et à des attentes irréalistes de la part des employeurs. Les salariés se retrouvent souvent à travailler au-delà de leurs heures contractuelles, ce qui empiète sur leur temps personnel et familial. 

Le manque de reconnaissance au travail est également un facteur majeur de stress. De nombreux salariés estiment que leurs efforts ne sont pas suffisamment valorisés, ce qui peut conduire à un sentiment de frustration et de démotivation. Une étude de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) montre que 30 % des salariés ont envisagé de quitter leur entreprise pour préserver leur santé mentale. Ce chiffre souligne l’importance de la reconnaissance et de la valorisation des employés pour maintenir leur bien-être psychologique. 

Les conditions de travail peuvent également varier considérablement en fonction du secteur d’activité. Par exemple, les travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux sont particulièrement exposés au stress et à l’épuisement professionnel. Une enquête de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) révèle que 60 % des professionnels de la santé déclarent ressentir un niveau de stress élevé au travail. Cette situation est souvent due à des charges de travail importantes, à des horaires irréguliers et à des conditions de travail difficiles. 

Le télétravail, bien qu’il offre une certaine flexibilité, présente également des défis. Selon une étude de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), 30 % des télétravailleurs déclarent ressentir une augmentation de leur niveau de stress. Le manque de séparation entre vie professionnelle et vie personnelle, l’isolement social et les difficultés techniques sont autant de facteurs qui peuvent contribuer à cette augmentation du stress. 

Le manque de soutien et de ressources 

Un autre facteur clé est le manque de soutien et de ressources pour les salariés en détresse psychologique. Beaucoup d’entreprises ne disposent pas de programmes de soutien psychologique adéquats. Selon une étude de l’Observatoire de la santé mentale au travail, seulement 30 % des entreprises françaises offrent des services de soutien psychologique à leurs employés. Cette absence de soutien laisse de nombreux salariés sans aide face à leurs problèmes de santé mentale. 

Le manque de soutien se manifeste également par une absence de formation des managers sur les questions de santé mentale. Une étude de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) révèle que 70 % des managers ne se sentent pas suffisamment formés pour aborder les questions de santé mentale avec leurs équipes. Cette lacune dans la formation peut empêcher les managers de reconnaître les signes de détresse psychologique et de fournir le soutien nécessaire à leurs employés. 

Les salariés en détresse psychologique peuvent également rencontrer des difficultés à accéder aux ressources externes. Les structures de soutien, telles que les services de santé au travail, sont souvent débordées et ne peuvent pas répondre à toutes les demandes. Selon une enquête de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), 73 % des travailleurs sociaux estiment que les moyens alloués à la santé mentale sont insuffisants pour répondre aux besoins croissants. Cette situation laisse de nombreux salariés sans accès à des soins appropriés. 

En outre, la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale peut dissuader les salariés de chercher de l’aide. Une étude de l’Observatoire de la santé mentale au travail montre que 62 % des salariés préfèrent ne pas parler de leurs problèmes de santé mentale par crainte de représailles ou de discrimination. Cette stigmatisation peut aggraver la détresse psychologique des salariés et les empêcher de recevoir le soutien dont ils ont besoin. 

Les conséquences économiques 

Les conséquences économiques de la dégradation de la santé mentale des salariés sont considérables et touchent à la fois les entreprises et la société dans son ensemble. L’absentéisme, le présentéisme (présence au travail malgré une mauvaise santé), et la baisse de productivité sont des problèmes majeurs qui découlent de la mauvaise santé mentale des employés. 

L’absentéisme et le présentéisme 

L’absentéisme lié aux problèmes de santé mentale coûte cher aux entreprises. Selon une étude de l’Institut Sapiens, le coût de l’absentéisme pour les entreprises françaises s’élève à environ 108 milliards d’euros par an. Les salariés en mauvaise santé mentale sont plus susceptibles de s’absenter du travail, ce qui entraîne des perturbations dans les opérations quotidiennes et une charge de travail accrue pour les collègues restants. 

Le présentéisme est un autre problème coûteux. Les salariés qui viennent travailler malgré des problèmes de santé mentale ne sont souvent pas en mesure de fonctionner à pleine capacité, ce qui réduit leur productivité. Une étude de l’Observatoire de la santé mentale au travail montre que le présentéisme coûte aux entreprises françaises environ 14 milliards d’euros par an. Ce phénomène peut également aggraver les problèmes de santé mentale des salariés concernés, créant un cercle vicieux de baisse de productivité et de détérioration de la santé. 

Les coûts pour la sécurité sociale 

Les problèmes de santé mentale des salariés ont également des répercussions sur les systèmes de sécurité sociale. Les dépenses liées aux soins de santé mentale, aux arrêts maladie et aux traitements médicaux augmentent, ce qui pèse sur les finances publiques. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), les dépenses de sécurité sociale liées aux troubles psychologiques ont augmenté de 15 % au cours des cinq dernières années. 

Les coûts de recrutement et de formation 

La dégradation de la santé mentale des salariés peut également entraîner des coûts supplémentaires pour les entreprises en termes de recrutement et de formation. Les employés en mauvaise santé mentale sont plus susceptibles de quitter leur emploi, ce qui oblige les entreprises à investir dans le recrutement de nouveaux talents et la formation de nouveaux employés. Une étude de l’Observatoire de la santé mentale au travail montre que le turnover des employés coûte aux entreprises françaises environ 25 milliards d’euros par an. 

L’impact sur l’image de l’entreprise 

Enfin, la mauvaise santé mentale des salariés peut nuire à l’image de l’entreprise. Les entreprises qui ne prennent pas en compte le bien-être de leurs employés peuvent être perçues négativement par le public, ce qui peut affecter leur réputation et leur capacité à attirer de nouveaux talents. Une étude de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) montre que 70 % des candidats potentiels considèrent la santé mentale des employés comme un critère important dans le choix de leur futur employeur. 

La santé mentale des salariés en France est un enjeu de plus en plus préoccupant, avec des répercussions profondes sur les individus et l’économie. La pandémie de Covid-19 a exacerbé les problèmes existants, créant un climat d’anxiété et de stress qui perdure. Les conditions de travail difficiles, le manque de soutien psychologique et une culture d’entreprise souvent axée sur la performance à tout prix contribuent à cette détérioration. 

Les conséquences économiques de cette situation sont significatives, affectant la productivité des entreprises et augmentant les coûts liés à l’absentéisme et au présentéisme. De plus, la stigmatisation des problèmes de santé mentale empêche de nombreux salariés de chercher l’aide dont ils ont besoin, aggravant ainsi leur détresse. 

Il est crucial de reconnaître l’importance de la santé mentale et de prendre des mesures pour créer des environnements de travail plus sains et inclusifs. En valorisant le bien-être psychologique des salariés, nous pouvons non seulement améliorer leur qualité de vie, mais aussi renforcer la résilience et la prospérité de notre société. La santé mentale des travailleurs doit être une priorité pour bâtir un avenir plus équilibré et durable. 

 

 À propos de l'auteur

Coralie Foucher - Directrice des Ressources Humaines Adjointe 

Diplômée en Gestion des Ressources Humaines, Coralie a démarré sa carrière au sein de Hays en 2006 en tant que chargée de recrutement sur les métiers de la finance de marchés et de la banque. Après 10 années en tant que manager des équipes Delivery Paris, elle rejoint en 2018, la Direction des Ressources Humaines du Cabinet et devient en 2023, Directrice des Ressources Humaines Adjointe. 

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