Votre manager n'est pas votre psy ! Où s'arrêtent les limites de la confession en entreprise ?
6 mins de lecture | Marie-Clémence Paget & Marie Maillard | Article | Bien-être
Le Manager : une nouvelle épaule sur laquelle pleurer ?
Dans le management moderne, le phénomène de confession au travail est de plus en plus courant. Les salariés, confrontés à des pressions professionnelles et personnelles, cherchent souvent une oreille attentive au sein de leur environnement de travail. Les managers se retrouvent ainsi de plus en plus au cœur de ces problématiques, devenant parfois des confidents improvisés, voire des thérapeutes non officiels. Mais pourquoi ?
Une étude de l’IFOP stipule que le N+1 a historiquement toujours été bien évalué par la plupart des salariés. Un constat appuyé par des chiffres de cette même étude : 70 % des salariés français se disent satisfaits des relations avec leur responsable hiérarchique direct.
Cette satisfaction peut notamment s'expliquer par plusieurs facteurs :
- Les managers sont souvent perçus comme des figures d'autorité accessibles et bienveillantes, capables de comprendre les défis professionnels et personnels de leurs équipes.
- La proximité quotidienne et les interactions régulières créent un climat de confiance et de familiarité, incitant les employés à se confier plus facilement.
Cependant, cette dynamique peut rapidement devenir problématique. Les managers, bien que formés pour gérer des équipes et atteindre des objectifs professionnels, ne sont pas des psychologues. La confusion des rôles peut entraîner des conséquences néfastes pour les employés, mais également pour les managers. Il est donc crucial de définir clairement les limites de la relation manager-employé et de mettre en place des ressources adéquates pour soutenir les salariés dans leurs besoins personnels et professionnels.
*Source : le nouveau rôle central des managers et l’enjeu de la reconnaissance au travail - IFOP
Les raisons qui poussent les collaborateurs à se confier
Cette tendance à la confidence excessive de la part d’un membre de son équipe peut s’expliquer par plusieurs facteurs :
- Un besoin d’écoute et de reconnaissance. Dans un climat d’entreprise où la performance est constamment évaluée par le biais d’objectifs, un salarié est susceptible de ressentir le besoin d’être écouté et reconnu. Pour cela, le N+1 semble être tout indiqué pour pallier ce manque.
- Une proximité quotidienne. Au bureau ou même à distance, la collaboration récurrente avec son manager peut créer une impression de proximité et d’intimité. Les discussions informelles, les réunions régulières ou encore les moments partagés viennent renforcer cette impression, incitant les salariés à se confier plus facilement à leur supérieur hiérarchique.
- La confusion entre management bienveillant et relation thérapeutique. Un manager bienveillant peut être perçu comme quelqu’un dont la porte sera toujours ouverte, une personne compréhensive et surtout un éternel soutien. Cependant, cette ouverture sur les autres peut être mal interprétée et peut parfois passer pour une invitation à partager des problèmes personnels, brouillant ainsi les frontières entre le soutien professionnel et la thérapie.
Confessions en entreprises : quels risques ?
Bien que cette confusion puisse sembler anodine, jouer le rôle d’un psychologue peut entraîner plusieurs menaces pour le manager et le salarié concerné.
Un impact sur la relation hiérarchique
Cette confusion des rôles n’est pas sans conséquence. Par exemple, la relation hiérarchique peut s’en trouver fragilisée, voire compromise dans certains cas. Les managers, connaissant des détails personnels, peuvent involontairement biaiser certaines décisions, créant des perceptions de favoritisme ou de traitement inégal au sein de leur équipe.
De plus, cette proximité excessive peut aller jusqu’à nuire à l’autorité du manager, rendant plus difficile la prise de décisions complexes. Lorsqu'un manager devient trop proche de ses employés, il peut être perçu davantage comme un ami que comme une figure d'autorité. Cette familiarité peut rendre les employés moins réceptifs aux directives et aux décisions qui ne leur plaisent pas, car ils peuvent s'attendre à un traitement préférentiel ou à une forme d’indulgence.
En fin de compte, la relation hiérarchique peut devenir floue, compromettant la clarté et l'efficacité de la gestion. Les employés peuvent avoir du mal à distinguer les moments où le manager agit en tant que leader et ceux où il agit en tant que confident. Cette ambiguïté peut entraîner une confusion sur les attentes et les responsabilités, rendant la communication moins efficace et les objectifs plus difficiles à atteindre.
Un risque d’épuisement pour le manager
Bien que formés pour gérer bon nombre de conflits, les managers ne sont pas formés pour gérer les problèmes personnels de leurs équipes. Être constamment sollicité pour des conseils personnels peut entrainer une surcharge émotionnelle et un épuisement professionnel. Le manager peut ainsi se retrouver à jongler entre ses responsabilités professionnelles et le rôle de confident parfois au détriment de sa santé mentale. Cette surcharge peut notamment se manifester par un stress accru, une diminution de la productivité ou mener à une incapacité à se déconnecter du travail. De plus, cette situation peut entraîner une perte de motivation et un sentiment d'impuissance face à des problèmes que le manager n'est pas équipé pour résoudre.
Une dépendance émotionnelle des salariés
Se confier de manière excessive à son manager peut créer une forme de dépendance émotionnelle. Les salariés, trop habitués au soutien de leur manager pour gérer les problèmes personnels et professionnels, peuvent soudainement faire face à une baisse d’autonomie et de résilience mais également à une perte de compétences en résolution de problèmes. De plus, cette situation peut entraîner un choc brutal si le manager vient à changer de poste ou quitter l’entreprise. Les salariés impactés pourront alors ressentir un sentiment de perte ou d’abandon, affectant leur moral et leur motivation au travail.
Comment définir ou redéfinir les limites ?
Afin de préserver leur bien-être et celui de leur équipe, il est essentiel pour les managers et les entreprises de définir de frontières claires à ne pas franchir.
Savoir dire stop avec bienveillance
Un manager doit être capable de poser des limites claires et distinctes tout en restant bienveillant. Cela débute par une approche empathique, puis d’une redirection de l’employé concerné vers les bonnes personnes (coachs, psychologues, etc.). Ainsi, le manager fera toujours preuve de compréhension et bienveillance sans pour autant endosser le rôle de psychologue. Cette approche permettra non seulement d’œuvrer en faveur du bien-être du collaborateur concerné, mais également de préserver l’équilibre émotionnel du manager.
Etablir des politiques claires
Afin d’établir des frontières à ne pas franchir, les entreprises peuvent également jouer un rôle important. Elles peuvent par exemple mettre en place des politiques claires afin d’établir des limites dans les interactions entre les managers et les employés. Ces politiques peuvent définir le type de discussions appropriées, des processus de redirection vers des professionnels pour les sujets sensibles et offrir des formations régulières aux managers sur la gestion des limites professionnelles.
Orienter vers les bons interlocuteurs
Dans la même dynamique, les entreprises peuvent mettre en place des ressources pour soutenir leurs employés. Les coachs internes sont un excellent moyen de fournir un soutien professionnel afin de soulager les managers et de traiter les problématiques des salariés plus en profondeur. Ces coachings peuvent offrir des conseils ou des formations sur la gestion du stress par exemple.
En dirigeant les salariés vers ces ressources, les managers peuvent continuer à être présents et attentifs, même lors de situations personnelles nécessitant l’intervention du manager (problèmes familiaux), tout en établissant des limites claires pour protéger leur propre bien-être et leur équilibre professionnel.
À propos de l'auteur
MARIE-CLEMENCE PAGET, Head of Digital Marketing France & Benelux
Avec une formation supérieure en Sciences du Management, Marie-Clémence Paget a su forger sa carrière dans le domaine du marketing et de la communication. Forte de plus de dix ans d’expérience, elle a démontré de fortes capacités à entreprendre, leader et manager.
En 2018, elle rejoint Hays en tant que Chef de projet marketing senior, où elle gère l’évènementiel interne ainsi que la coordination de la production de contenu et de la communication externe. Sa passion et son implication la propulsent rapidement vers de nouvelles responsabilités.
En 2020, Marie-Clémence devient Responsable Marketing Digital & Communication, où elle supervise l’ensemble des initiatives de marketing digital en plus de ses missions précédentes. Elle agrandit son équipe et mène des projets qui renforcent la présence numérique de l’entreprise.
Sa vision stratégique et son leadership la mènent à être promue en 2022 au poste de Head of Marketing France & Luxembourg. Puis en 2024, elle devient Head of Digital Marketing France & Benelux, en plus de ses fonctions de Head of Marketing & External Communication en France & au Luxembourg.
Son objectif est d’insuffler une nouvelle dynamique auprès de ses équipes et d’être une source d’inspiration, illustrant comment la détermination, le leadership et la bienveillance peuvent transformer une carrière et avoir un impact significatif sur une organisation.